La Région de l’Ouest est aujourd’hui l’un des plus grands bastions du football au pays de Roger Milla. La preuve c’est qu’elle fournit cinq clubs au championnat d’élite qui en compte dix-huit et son championnat division 2 est un fourmillement de clubs soit plus d’une trentaine.
Pourtant, rien ne présageait cette région à un tel intérêt au football. Le football était jusqu’à un moment considéré chez les Bamiléké comme une simple distraction. Le jeune homme qui s’aventurait à faire du ballon rond son hobby était considéré dans la société comme un bon à rien. A l’Ouest, le commun des mortels compte sur l’école, le travail de la terre et le commerce. « C’est ça qui donne de l’argent. »
Le règne de l’Aigle de Dschang
Un coup d’œil rétrospectif sur la naissance et l’évolution du football à l’Ouest nous permet de dire que c’est en 1950 que cette discipline a commencé à faire parler d’elle. En 1950 donc, l’Ouest organise son premier championnat régional à l’issue duquel l’Aigle de Dschang est sacré champion. L’aigle obtenait ainsi sa qualification à participer au tournoi national qui regroupait chaque année, les vainqueurs des autres régions du Cameroun. A titre d’exemple, le championnat du Cameroun édition de 1951 était constitué des équipes telles que : Canon de Yaoundé, Caïman de Douala, Vent sportif de Douala, Tonnerre de Yaoundé, Oryx e Douala, Jeunesse Bamiléké de Douala, Lion de Yaoundé et l’Aigle de Dschang. On constate ici que les équipes de Douala et de Yaoundé se taillaient la part du lion au niveau de la participation. Ceci s’explique par le fait que le football était déjà développé dans ces régions grâce au brassage régulier avec les colons blancs. L’Aigle de Dschang qui était l’équipe phare de l’Ouest à cette époque, revenait des compétitions nationales toujours presque à genoux, incapable de faire bonne figure. Tenez par exemple, l’Aigle a participé au championnat national de 1951 à 1957, son palmarès le plus honorable était soit de fermer la queue du classement ou d’être avant dernier. Le championnat régional de l’Ouest regroupait les équipes telles que : Guépard de Dschang, Racing de Bafoussam, Jupiter de Bafang, Serpent Bamoun, Tortue de Bafang, Araignée Bamoun, Virus de Dschang et L’aigle de Dschang. Les joueurs les plus en vue étaient notamment ceux de l’aigle de Dschang à savoir : Kamwa, Kwenkam et Tsobgni Paul dit Kopa. Ces trois avaient d’ailleurs été appelés à l’équipe nationale du Cameroun de l’époque. Après l’indépendance, la structuration du football par la Fécafoot permet aux équipes de l’Ouest d’afficher leurs ambitions. C’est ainsi que le 5 juin 1966, l’aigle de Dschang parvient à la finale de la coupe du Cameroun oriental et trouve comme adversaire le Lion cosmos de Yaoundé qui l’étrille sur le score de 2 buts à 0. Parmi les joueurs de l’Aigle ayant disputé cette finale, on retrouvait le gardien de but Tathé, l’inamovible Tsobgni, Kamgang, Eyoum,Ouako, Nana, Tientcheu, Sonfack, Zontsa, Wedji, Mbongo etc….
La sensation Racing
En 1975, contre toute attente, c’est le Racing de Bafoussam encore en deuxième division qui crève l’écran en participant à une finale de la coupe du Cameroun. L’adversaire du jour, le Canon de Yaoundé est sans pitié pour le T.P.O., score à la fin du match 2 buts à 0 en faveur des Mekok Me Ngonda. L’attaquant vedette du Racing, Tsémo Serges et le gardien de but Kamdem sont considérés comme les principaux piliers de ce grand exploit de l’équipe de Bafoussam. Ils frappent aussi à leur tour aux portes de l’équipe nationale du Cameroun. C’est à partir de là que toute la province de l’Ouest commence à croire au mystère du ballon rond. Chaque arrondissement, département pour ne pas dire chaque village cherche à créer une équipe de football pour défendre un certain orgueil. Une ambition désordonnée qui est à l’origine de quelques scandales dans la région à l’instar des 47 buts à 0 que le Racing de Bafoussam inflige à Renaissance de Bamendjou en 1975-1976 ou encore le ballon percé par le gardien de but de Panthère de Bangangté, un certain Njayou en 1983 lors du dernier match qualificatif aux inter poules. Les années 80 consacrent le football à l’Ouest qui prend de plus en plus son envol avec l’accession en première division des équipes telles que : Racing de Bafoussam, Unisport de Bafang, Fédéral de Foumban, Panthère de Bangangté, Bamboutos de Mbouda et l’Aigle de Dschang. Dans les années 90, d’autres équipes beaucoup plus ambitieuses issues des fissures voire des cassures observées çà et là dans les clubs de la région vont voir le jour en division d’élite. Il s’agit de Fovu de Baham, Sable de Batié et Stade de Bandjoun. Dès lors, l’équipe nationale du Cameroun qui était jadis constituée des joueurs ressortissants des régions du Centre-sud et Littoral commence à ouvrir ses portes aux enfants Bamiléké. Les plus en vue sont : Djonkep Bonaventure, Kaham Michel, Wamba petit Michel, Kamga(chat), Tchami Alphonse, et la grande légion d’aujourd’hui composée de Gerémi Njitap Fotso, Achille Wébo, Tchato Bill, Feutchiné, Idriss Carlos Kameni, Souffo etc…
Optimisme
Comme on peut désormais le constater, le football national se fait et se fera avec l’Ouest. Quand on regarde le nombre d’écoles de football qui pullulent dans la région et même dans le triangle national et qui sont le plus souvent la propriété des fils de l’Ouest, il y’a lieu d’envisager l’avenir avec optimisme. Ici, tous se lèvent comme un seul homme pour demander avec véhémence l’achèvement des travaux de construction du stade omnisport de Bafoussam abandonné il y’a plus de deux décennies. Le seul conseil à donner aux Bamiléké c’est de ne pas confondre football et commerce, car la tradition voudrait toujours que lorsqu’on entreprend une activité, qu’il y ait un profit immédiat. Le football c’est un jeu qu’il faut aimer avant de s’y investir. Alors, amour, plaisir et le reste viendra tout seul.